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Etablissement de la filiation paternelle

Il existe trois possibilités d'établir la filiation paternelle d'un enfant : 1) Par la présomption de paternité ;
2) Par la reconnaissance de paternité ;
3) Par une action en recherche de paternité.

1) La Présomption de paternité

L'article 315 du code civil prévoit que « L'enfant né pendant le mariage ou dans les 300 jours qui suivent la dissolution ou l'annulation du mariage, a pour père le mari ». Si une femme est mariée et qu'elle accouche, l'enfant aura donc pour père le mari (qu'il soit ou non le père biologique de cet enfant). Il s'agit ainsi du père légal. Et cette règle est d'application jusqu'au 300ième jour qui suit la dissolution ou l'annulation du mariage.
Mais, en cas de mariages successifs, la loi a prévu que l'enfant né dans les 300 jours qui suivent la dissolution du premier mariage de la mère, dans l'hypothèse où celle-ci serait déjà remariée lors de la naissance, a pour père le deuxième mari.

Le législateur a tenté de faciliter l’établissement de la filiation paternelle dans certains cas en permettant de « désactiver » la présomption de paternité existante, sauf déclaration conjointe des époux au moment de la déclaration de naissance :

1° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après la séparation de fait des époux constatée soit par un accord actant les résidences séparées devant le juge du divorce à l'audience d'introduction, soit par une ordonnance de référé autorisant les époux à résider séparément, soit encore par le dépôt d'une requête en divorce par consentement mutuel,

2° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après l'inscription des époux à des adresses distinctes et à condition qu'ils n'aient pas été réinscrits à la même adresse par la suite,

3° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après un jugement prononcé par le juge de paix en vertu de l'article 223 du code civil autorisant les époux à résider séparément et moins de 180 jours après la fin des effets dudit jugement ou après la réunion de fait des époux.

Contestation de paternité

La paternité qui a été établie par présomption, peut être contestée. Il arrive en effet que le père légal (le mari, père présumé par la loi) ne soit pas le père biologique. Une procédure a donc été instaurée, accordant la possibilité aux personnes concernées de contester la paternité établie par présomption, en prouvant que le mari n'est pas le père biologique de l'enfant.

Cette procédure peut être menée par le mari, l’homme qui revendique sa paternité, la mère, l'enfant, et les descendants et ascendants du mari en cas de décès de celui-ci.

En cas de mariages successifs, la paternité du « nouveau mari » peut être contestée par le « précédent mari ».

La mère pourra intenter l’action jusqu’à un an à dater de la naissance.

Le mari pourra introduire l’action dans un délai maximum de un an à dater de la découverte du fait qu’il n’est pas le père biologique, et l’homme qui revendique la paternité, dans un délai maximum de un an à dater de la découverte du fait qu’il est le père biologique.

L’enfant quant à lui pourra introduire l’action durant dix ans, entre ses 12 et 22 ans, ou dans l’année de la découverte du fait que le mari n’est pas son père biologique. Les ascendants et descendants du mari décédé disposent d’un délai de un an à dater de son décès ou de la naissance.

L’action sera irrecevable s’il existe une possession d’état (cf. supra) à l’égard du mari.

Ici également une action « 2 en 1 » peut être menée, c'est-à-dire que par une même décision judiciaire, la paternité du mari pourra être anéantie et remplacée de plein droit par celle du père biologique.

2) La reconnaissance de paternité

La reconnaissance de paternité vise l'hypothèse où un père souhaite voir établie sa paternité. Il n’y a aucune limite de temps pour procéder à la reconnaissance de paternité.

La reconnaissance de paternité n'est pas réservée au seul père biologique. Il peut en effet arriver que le compagnon d’une femme, mère d'un enfant dont la filiation paternelle n'est pas établie, décide, avec l'accord de celle-ci et de l'enfant lui-même s'il a plus de 12 ans, de reconnaître cet enfant dont il n’est pas le père biologique.

En ce qui concerne les consentements :

Si l'enfant est majeur ou mineur émancipé, seul son consentement préalable est requis pour la reconnaissance postulée. Celui-ci a un droit de veto absolu, sans recours possible.

Si l'enfant est âgé de moins de 12 ans, seul le consentement de la mère est requis.

Si l'enfant mineur non émancipé est âgé de plus de 12 ans, sont requis : le consentement de la mère, ainsi que le consentement de l'enfant sauf si ce dernier

 est interdit, sous statut de la minorité prolongée ou si le tribunal estime qu'il est privé de discernement.

Une action en autorisation de reconnaissance de paternité, en cas de refus de l'un des consentements requis, peut être introduite par l'homme candidat à la reconnaissance, mais sera irrecevable si elle fait apparaitre un inceste. Si l’enfant est âgé de plus d’un an, le Tribunal statuera en fonction de l' « intérêt de l'enfant ».

Hypothèse d'un homme marié qui veut reconnaître un enfant né hors mariage (enfant qui n'est donc pas celui de son épouse).

Dans le cas d'espèce, il n'y a donc pas de présomption de paternité qui s'applique, puisque l'enfant n'est pas issu du mariage, enfant de l'épouse mais celui d'une autre femme.

Cet homme, père biologique, peut reconnaître son enfant.

L’époux (en cas de mariage homosexuel) ou l’épouse sera cependant informé de la reconnaissance.

L’époux ou l’épouse du père marié qui reconnaît un enfant né d'une autre femme, n'a pas la possibilité de s’opposer à l'attribution du nom patronymique de son mari à l'enfant qu'il a reconnu.

Remarques :

1. Il est possible de reconnaître un enfant avant même la naissance de celui-ci;

2. La plupart du temps, la reconnaissance s'effectue en même temps que la déclaration de naissance devant l'Officier d'Etat Civil du lieu de naissance de l'enfant ;

3. Une reconnaissance peut cependant avoir lieu après la naissance, alors que l'enfant ne portait jusque là que le nom de sa mère et n'avait pas de filiation paternelle établie.

Contestation de la paternité établie par acte de reconnaissance

La mère, l’enfant, l’homme qui a reconnu et l’homme qui revendique la paternité peuvent demander l'annulation d'une reconnaissance de paternité mensongère.

Dans l'hypothèse où le demandeur est l'auteur de la reconnaissance ou l'une des personnes ayant consenti à la reconnaissance litigieuse, il lui appartiendra de prouver que son consentement a été vicié pour pouvoir agir en contestation.

L’obligation pour le père qui a reconnu de prouver un vice de consentement pour contester par la suite sa paternité a été mise en place afin de garantir à l’enfant une certaine stabilité, en évitant que le père puisse simplement changer d’avis, par exemple suite à une rupture avec la mère de l’enfant.

L’action sera irrecevable s’il existe une possession d’état (cf. supra) à l’égard du père qui a reconnu.

Les délais pour introduire la procédure en contestation sont les suivants :

Pour la mère et l'homme qui a reconnu : un an à dater de la découverte du fait que l'homme qui a reconnu n'est pas le père biologique
Pour l'enfant : dix ans entre ses 12 et 22 ans, ou dans l'année de la découverte du fait que l'homme qui l'a reconnu n'est pas son père biologique
Pour l'homme qui revendique la paternité : un an à dater de la découverte qu'il est le père biologique de l'enfant

Ici encore, une action « 2 en 1 » pourra permettre au père biologique qui a contesté la reconnaissance mensongère souscrite par un autre homme, d'établir sa propre filiation à l'égard de l'enfant.

3) L'action en recherche de paternité

Cette hypothèse vise la situation où il n'y a pas de présomption de paternité et donc pas de père légal (pas d'enfant né dans le cadre d'un mariage), ni de reconnaissance par un homme désireux de devenir le père légal.
Dans l’hypothèse où le père biologique tente de se soustraire à ses responsabilités de père en refusant de reconnaître son enfant, la mère et l'enfant disposent d’un moyen de l'y contraindre par la mise en œuvre de « l’action en recherche de paternité ».

Le père biologique est également titulaire de l’action en recherche de sa propre paternité.

Peuvent également introduire une telle action les descendants de l'enfant qui ne peuvent agir que jusqu'au 25ème anniversaire de l'enfant décédé.

L'action en recherche de paternité sera déclarée irrecevable si l'enfant majeur ou mineur émancipé s'y oppose.

Dans le cas où c’est la mère ou l'enfant âgé de plus de 12 ans qui s’oppose à l’établissement de la paternité recherchée, le Tribunal pourra rejeter l'action sur la base du refus de consentement s’il estime que l'établissement du lien de filiation serait manifestement contraire à l'intérêt de l'enfant âgé de plus d'un an au moment de l'introduction de la demande, ou sur base de la preuve de la non-paternité du père demandeur.

Enfin, l’action sera rejetée à la demande de l'une des parties si elle est introduite par le père biologique qui est reconnu coupable de viol sur la personne de la mère pendant la période légale de conception.

L’action n’aboutira pas non plus si l’établissement de la filiation fait apparaitre un inceste.

Le délai pour introduire l’action expire après 30 ans pour la mère et l'homme qui revendique la paternité

L’action en recherche de paternité ouverte à l'enfant ne sera prescrite, au plus tôt, que lorsque l'enfant atteindra l'âge de 48 ans.

Contestation de la paternité établie par décision judiciaire :

Seules les voies de recours habituelles propres à tout jugement peuvent être mises en œuvre, ou la tierce opposition pour les personnes qui n'étaient pas parties à la cause.